L’Éclat EmpoisonnéChapitre 263 Colosse 1327 Ap.EConnor enfonça son poing dans l’estomac de l’homme qui brandissait son épée, celui-ci se courba en avant sous l’effet du coup, étouffé par l’impact. Il attrapa le docteur Twinkee par le col et le propulsa en direction de la sortie de la grotte, celui-ci poussa un long cri pendant son vol plané et atterrit douloureusement sur le sol. Il fit mine de le suivre mais il reçut un lourd coup de marteau dans le dos, ce qui le fit tomber au sol, il roula sur lui-même pour éviter un second coup qui percuta le sol projetant quelques éclats de pierre autour. Connor banda ses muscles pour se soulever lui et son armure le plus rapidement possible, à travers la visière de son casque qui réduisait son champ de vision il chercha une issue au repaire de bandit, deux hommes lui faisaient face et il pouvait entrevoir Twinkee qui se relevait derrière en jetant des regards apeurés autour de lui.
Il ne risquait rien pour l’instant, avec son armure séraphine les bandits avaient toutes les raisons de le voir comme la cible à abattre. Alors qu’il s’apprêtait à charger les deux sbires devant lui, la femme à la balafre le percuta à nouveau, le ramenant à terre, avec ses quarante kilos d’armure il était largement désavantagé dans un combat au sol cette femme était maligne. Elle souleva son marteau pour en finir mais Connor lui faucha les jambes avec les siennes. La meneuse du petit groupe de bandit s’écroula au sol et sa tête heurta un rocher l’assommant par la même occasion. L’un des deux bandits qui barrait s’était avancé en beuglant et trancha l’air de son épée vers lui. Heureusement la lame ricocha sur l’armure et Connor le fit chuter d’un revers du bras et il s’avança vers la sortie.
- Alatir ! Attention derrière !
Le guerrier se retourna et vit un groupe de bandit qui venait d’arriver dont certains armés d’arbalètes, ces armes avaient suffisamment de puissance pour traverser son armure. Il courut jusqu’au docteur le sommant de le suivre et se jeta dans le fleuve. Son armure l’entraina au fond de l’eau presque instantanément, il prit appui dès qu’il le pu et remonta le mètre qui le séparait de la surface en direction de l’ombre qu’il apercevait. Il ne s’était pas trompé c’était bien un tronc d’arbre qu’il avait aperçu il tendit la main et agrippa une branche, mais il ne remonta pas immédiatement, il retint sa respiration attendant d’être hors de portée des bandits. Ce faisant deux petites paires de pattes d’asura percèrent l’eau. Le docteur s’était agrippé lui aussi au tronc qui devenait sa barrière entre lui et le terrier du mendiant. Connor s’autorisa à remonter à la surface qu’une fois que ses poumons le brulèrent, il avala avec délectation de grandes bouffées d’air.
- Nom de nom, haleta l’asura, depuis quand des bandits occupent cet endroit ? Ils n’étaient pas ici la dernière fois que j’ai emprunté ce chemin.
- Sérieusement, pourquoi vous ne m’avez pas dit que nous passerions par le terrier ? Cela fait des mois qu’il est réputé pour ses mauvaises fréquentations.
- Parce que vous trouvez que vous êtes une bonne fréquentation vous et vos petits amis ?! s’écria l’asura.
L’humain ne répondit pas, d’abord parce qu’il était à bout de souffle et ensuite parce qu’il ne trouvait rien à rétorquer au docteur. Il aurait aimé dire qu’il avait un objectif plus proche de la justice mais cela se rapportait plus à de la rancœur envers la noblesse qu’il haïssait plus que tout. Il fallait pour l’instant qu’ils sortent de l’eau, il déporta le tronc vers la rive sud avant qu’ils n’arrivent au niveau du fort séraphin plus loin à l’ouest. Une fois de retour à la terre ferme, Twinkee fit l’inventaire de ses sacoches, grommelant à chaque fois qu’il se débarrassait d’un produit qui avait trop prit l’eau et était devenu inutilisable. Connor, lui, inspecta son armure et son espadon et les laissa sécher au soleil, il craignait de les voir prendre la rouille. Il se laissa choir au sol et fis le point de leur situation.
Ils n’arriveraient jamais aux collines de Kessex dans la journée c’était évident. Ils avaient évité de justesse la Garnson de Shaemor, il pouvait l’apercevoir au loin. Dans la direction inverse il y avait une scierie dont les occupants, il le savait, avaient régulièrement des soucis avec des bandits. D’ailleurs on pouvait constater l’absence d’arbre parmi les plaines vertes de la vallée, dans certaines zones il y avait des forêts de souches d’arbres qui s’accumulaient. Connor se demandait si les arbres pouvaient repousser aussi vite que les hommes les coupait. Un sylvari aurait peut-être pu le renseigner sur ceci.
- Malheureusement je n’ai qu’un asura avec moi, dit-il en s’allongeant sur la berge les mains derrière la tête.
- Hein ? Un peu de respect, bookah !
Une fois leurs affaires séchées, ils se remirent en route en évitant les chemins tracés qu’empruntaient régulièrement les rondes séraphines. Avec son armure d’officier Connor avait un semblant d’autorité auprès des gens, mais les séraphins proches du promontoire avaient été mis au courant de son accoutrement, ils risquaient de se faire vérifier leurs identités.
C’est ainsi qu’ils traversèrent les plaines herbeuse de la vallée. Après une bonne heure de marche Connor retira son casque, ils n’avaient croisé personne et l’asura au métabolisme moins résistant que le sien s’était plongé dans un mutisme propre à la fatigue. L’humain retira son casque aérant son visage, l’odeur campagnarde de la vallée l’atteignit plus efficacement que lorsqu’il portait son heaume. L’herbe sauvage lui arrivait parfois jusqu’au bas du genou, il acceptait alors de laisser l’asura monter sur ses épaules le temps de traverser ces endroits touffus.
Une brise de fin de journée fit ondoyer la surface de l’herbe ce qui lui rappela ces années passées sur la mer, les mouvements la mer bleue et ceux de la mer verte en face de lui semblaient étrangement similaires. Ce n’était pas quelque chose que l’on pouvait voir au promontoire ou au bord des chemins régulièrement empruntés où l’herbe était traité et entretenu afin de ne pas gêner la visibilité, la circulation ou bien simplement par souci d’esthétisme.
Le docteur qui semblait n’en avoir cure, et avait profité de l’occasion pour effectuer le voyage sur les épaules de Connor, lui demandait parfois de le déposer quelques instants. Il sortait alors de son sac une serpe avec laquelle il « prélevait » comme il le disait certaines plantes que l’humain n’aurait jamais constaté l’existence, quand bien même il les aurait vus parmi l’herbe foisonnante, cela n’aurait été que de la mauvaise graine pour lui. Il se surprit à se demander pourquoi il ne voyait jamais d’asura jardinier, avec toute ces connaissances qu’ils arrivaient à accumuler il n’y avait pas de raison qu’ils n’excellent pas en la matière. Bien évidement Connor se retint de poser la question au Docteur Twinkee.
L’étrange atmosphère qui planait autour d’eux le mettait mal à l’aise, ils n’avaient rien croisé si ce n’est des insectes, la vallée toute entière paraissait leur appartenir. Néanmoins alors que le soleil commençait sa chute ils arrivèrent à niveau du monastère. Ils entendirent des rires et des chants émaner de la bâtisse. Le monastère Eldvin était très célèbre pour sa fabrication de bière et de vin, ils élevaient leurs propres vignes dans cet objectif de garder une qualité exemplaire. Connor n’avait jamais eu l’occasion d’en boire, c’était un produit de luxe dont il n’avait jamais eu l’accès. Mais ils n’étaient pas venus ici pour boire. Connor dit à l’asura qu’il allait négocier le gîte pour la nuit, les marais étaient dangereux, surtout la nuit, et il faudrait les traverser pour se rendre aux collines de Kessex.
En arrivant un moine les accueillit le visage souriant et le nez un peu rouge.
- Et ben alors vous n’êtes pas tous partis, dit-il en détaillant l’armure de Connor, vous a-avez raté votre troupe officier ?
Après tout il portait une armure séraphine, cela n’avait pas que des inconvénients. Cela lui permettrait d’arranger le coup pour ce soir.
- Merci mais je n’appartiens pas à l’escouade qui vient de partir, en fait j’escorte cet asura jusqu’au port de Triskel.
- Triskel, mais vous en avez du chemin, vous n’a-allez pas traverser le marais ce soir quand même ?
- Et bien nous aimerions, si cela est possible, passer la nuit au monastère et pouvoir nous fournir de quoi manger.
- Ah…visiblement le moine n’avait pas l’air de vouloir se séparer comme ça de ses réserves de nourriture.
- Oh bien sûr l’asura payera pour nous deux, reprit rapidement Connor en le poussant vers l’homme qui commençait à tituber sous l’effet de l’alcool.
- Hé ! Comment ça ? L’asura s’interrompit sous le regard insistant du guerrier.
Il sortit de son sac deux pièces d’argent et les tendit au moine. « Cela suffira ? »
Le moine empocha les pièces visiblement satisfait.
- Je v-vais prévenir mes supérieurs ne bougez-ez pas d’ici je reviens. Balbutia-t-il.
- J’espère qu’il va réussir à revenir surtout. Dit Connor en haussant un sourcil.
- Pourquoi c’est moi qui dois payer pour nous deux, gronda l’asura en montrant les dents.
- Je l’ai dit pourtant, je suis ton escorte !
- Mais je rêve ! Il pointa un doigt crochu sur Connor. Encore un coup comme ça et vous pouvez dire adieu à notre affaire.
- Allons allons, je cherche simplement à ce que nous ne nous paraissions pas suspect.
- Bien sûr…
Le moine qui les avait accueillis revint accompagné d’un autre homme vêtu d’une robe couleur d’automne et au visage marqué par la vieillesse, il avait le regard sévère et étudiait les deux arrivants.
- Bienvenu au monastère Eldvin, frère Alguin m’a informé que vous souhaitiez passer la nuit ici c’est bien cela ?
- Exactement, et je suis fatigué, j’aimerais savoir si oui ou non nous allons pouvoir dormir ce soir, répondit hargneusement Twinkee.
- Calmez-vous, dit le vieil homme, nous ne refusons pas le gîte à qui le demande et encore moins si ceux-ci incluent un séraphin en mission. Je suis Edor Amkin maitre brasseur. Cependant je crains que le monastère pioche dans ses dernières réserves, aussi j’ai cru comprendre que vous alliez rejoindre le port Triskel c’est bien ça ?
- Oui ?
- Et bien à vrai dire nous sommes un peu face au mur, demain matin nous étions supposés livrer des futs de bière au campement de la garde du lion, à la sortie des marais. Nous louons habituellement les services de mercenaire ou bien demandons l’aide de la garde séraphine mais la garde ne peut apparemment pas nous escorter et les mercenaires avec qui nous avions passé un contrat il y a deux jours ne sont toujours pas arrivé. Si vous acceptez de nous accompagner demain matin, je vous offre de quoi boire, manger et dormir en ces lieux.
- C’est entendu, accepta Connor avec un large sourire. Je vous remercie de votre coopération.
- C’est moi qui vous remercie, nous ferez-vous l’honneur de vous joindre à nous pour le diner ?
- Bien sûr !
Connor et Twinkee passèrent donc la soirée parmi les moines qui partagèrent volontiers leur repas frugal. Les membres du monastère étaient pour la plupart de grand amis de la boisson et la soirée fut bien agitée jusqu’à tard dans la nuit et Connor qui participa volontiers aux concours de boisson s’endormit à une heure tardive de la nuit emportant avec ses hoquets l’odeur de la bière. Le professeur Twinkee lui-même avait accepté de boire un verre, mais n’était visiblement pas pareillement sensible à l’alcool que les autres, aussi une choppe suffit à l’asura pour servir de somnifère et il s’en alla se coucher très vite avant même que les dernières lueurs de la journée finissent de disparaitre dans la nuit.
Le réveil fut particulièrement éprouvant pour Connor, il lui semblait que le monde tournoyait autour de lui et une nausée constante le menaçait de lui faire recracher ce qu’il avait consommé hier soir. Un moine qui lui donna à boire une potion qu’il venait de préparer, la mixture d’une couleur semblable aux poils d’un sanglier en fin de vie ne paraissait en aucun cas lui vouloir un quelque bien. En fait il était sûr que cette potion allait le tuer. Mais le moine plus déterminé que Connor lui pinça le nez et lui enfonça le goulot au fond de la gorge, et il fut forcé d’avaler la potion qui lui brula la gorge. Néanmoins, en quelques minutes le monde se stabilisa et la nausée disparut complétement. Il avait recouvré tous ses esprits.
- Incroyable ! je suis sûr qu’ils feraient plus fortune en vendant ceci qu’avec leur bière !
Le docteur Twinkee bailla et se gratta l’épaule en le regardant.
- Bon vous avez fini ? Plus vite on aura traversé ce marais plus vite on rentrera.
- Vous n’êtes pas d’accord docteur ? C’est impressionnant non ?
- Non. Je m’en contrefiche.
- Ho…Bon je me prépare alors…
- Moi je vais rejoindre les autres.
Frère Alguin avait passé la tête en travers la porte, son nez était rouge comme la veille mais le guerrier avait l’impression qu’il l’était encore plus qu’hier quand ils s’étaient vu. L’humain prépara ses affaires et l’asura s’était faufilé entre les jambes du moine. Connor se rafraichit dans le bassin au centre de la cour et fini par rejoindre les moines qui chargeaient des barils sur un grand chariot tiré par deux dolyaks. Connor reconnu quelques moines avait qui il avait discuté. Il aperçu le docteur qui s’était installé confortablement à l’arrière du chariot en face d’un homme recroquevillé. La troupe était composée de cinq moines dont un grand gaillard qui portait une masse de combat à sa ceinture, les autres n’étaient que de simples individus ne connaissant probablement rien à l’art du combat. Le sixième occupant était assis à côté des barils et en face de l’asura ne semblait pas faire partie du monastère. Il demanda au moine armé qui fronça ses épais sourcils.
- On vous l’a dit hier, vous êtes trois à nous accompagner ce matin, celui-ci est une garantie en cas d’imprévu, dit-il en désignant du menton l’individu.
L’individu avait une apparence des plus austères. Les vêtements gris et sales, sa tunique et son pantalon étaient effilochés en de multiples endroits, son manteau de tissu fin était en aussi mauvais état que le reste et semblait avoir pris l’eau. L’individu était assis les jambes repliés sur lui-même et la tête baissé on ne voyait que ses cheveux gris foncés, emmêlés et sales. Connor s’avança vers lui en bon sociable pour se présenter. Il tendit la main.
- Bonjour, je suis Connor Alatir, enchanté de faire ta connaissance.
Connor souriait en espérant obtenir une réponse. L’homme avait peut-être exagéré sur la boisson.
- Mon ami asura est docteur, il m’a concocté une potion contre la gueule de bois. Et ça marche ! Tu veux que j’aille lui demander s’il lui en reste ? Il pourrait se faire une fortune en vendant ça quand j’y pense.
L’homme releva la tête, un visage émincé, les traits tirés et pâles, d’énormes cernes lui bordaient les yeux, il avait la bouche entrouverte comme s’il peinait à respirer.
- Tu pues le mensonge. Ne me parle pas, dit-il d’une voix fatigué avant de plaquer sa main sur sa tête le front crispé et de se remettre dans la position dans laquelle il se trouvait.
- Ha…
Si l’homme ne sentait pas l’alcool, Connor doutait de son utilité dans l’escorte. L’asura quant à lui prit place en face de l’antipathique en prenant soin de mettre le plus de distance possible entre eux. Connor lui resterait à pied pour mieux intervenir en cas d’attaque. Ils finirent par partir du monastère, où ils en passèrent les portes en s’enfoncèrent dans les bois. La route fait de pierre s’effaça peu à peu au fur et à mesure qu’ils progressaient dans les bois humides. Les troncs des arbres se recouvrirent peu à peu de mousse et de plante des marais. Le chemin finit par disparaitre dans la terre pleine de flaques et de vase. Les moustiques commencèrent à venir escorter les barils également. Sous son casque Connor pestait contre cette menace insupportable, l’asura s’était caché sous une cape pour éviter d’être piqué. L’homme antipathique lui ne semblait pas être affecté par les moustiques. Les moines qui semblaient avoir l’habitude de cette traversée balayaient les airs de leurs mains avec monotonie, comme s’ils étaient résignés à se faire pomper le sang. Les marais abritaient des créatures agressives. Tel que des drakes, des skelks ou des créatures des ombres. Pour ces dernières il était rare d’en croiser en journée, mais étaient très actives la nuit. Ils finirent par atteindre la passerelle de bois qui traversait tout le marais. C’est à partir de là qu’il fallait se mettre en garde, et faire attention à ne pas attirer l’attention des esprits qui rodent dans les marécages. Le chariot s’avança sur le pont dont il prenait toute la largeur. Connor resta derrière et tenta de ne s’appuyer que sur les planches les moins moisies. Les arbres aux alentours avaient radicalement changé, de grands arbres aux feuillages tombants, recouverts de lianes, de mousses et d’autres bestioles plus répugnantes les unes que les autres était devenu leur environnement. C’était une vision peu encourageante que de voir tous ces arbres émerger de l’eau. Le marais semblait calme, mis à part les moustiques et les crapauds, rien n’interrompait l’avancée du chariot. L'escorte devait parfois baisser la tête quand une branche s’étendait par-dessus la route de planche, les moines coupaient les branches avec leurs machettes quand elles étaient à portée laissant tomber dans l’eau putride du marais. Les moines s’agitèrent soudain en montrant du doigt ce qu’ils apercevaient. Au loin sur leur gauche, Connor aperçu des lueurs bleutés. Des esprits errant. Tant qu’on les laissait en paix ils laissaient les voyageurs de passage tranquille. Le morale de des moines baissa quand même d’un cran, il était mauvais signe de voir des esprits après l’aube. Cela signifiait le plus souvent que la nuit dans le marais avait été agitée. Le marais sembla alors bien moins calme. L’ombre des arbres devenait menaçant et l’odeur du marais paraissait s’accentuer et devenir de plus en plus nauséabonde.
- Continuez d’avancer, dit le moine à la masse, ne ralentissez pas et ne regardez pas les esprits. Il ne faut pas attirer l’attention.
Connor opina et maintient l’allure. Le marais empestait l’odeur de la mort en putréfaction et la brume avait recouvert les eaux. On ne pouvait plus distinguer le marais à plus d’une cinquantaine de pas, seul restait le pont de bois dont les planches grinçaient sous le poids du chariot. Les dolyaks s’agitaient eux aussi. Le son s’était atténué aux alentours, comme s’ils étaient isolés du reste du monde. Connor commençait à transpirer, l’atmosphère devenait suffocante. Un mouvement attira son attention à sa gauche. Il sursauta en apercevant une silhouette dans les brumes. L’esprit sans visage, était immobile à moins d’une dizaine de mètre de lui et semblait le regarder malgré l’absence d’œil. Connor le vit tendre une main fantomatique vers eux. Marchant presque à reculons pour ne pas le perdre de vue, Connor perçu tout de suite le changement. Il n’entendait plus les crapauds chanter. Il se retourna vers le chariot, toujours en route, en jetant un œil en arrière il vit l’esprit se faire engloutir par la brume qui gagnait en intensité.
- Accélérez l’allure.
Connor n’avait pas eu besoin de crier pour se faire entendre, il entendit les moines tirer les dolyaks. Mais trop tard, une forme sombre apparu des brumes et se dirigeait vers les animaux de trais. Connor tendit le poing en murmurant quelques incantations, des filaments de magie bleutés surgirent alors de sa paume qu’il ouvrit et laissa l’énergie foncer vers la créature des ombres qui reçut l’attaque de plein fouet et disparu dans l’eau. D’autres silhouettes apparurent, d’effroyables chimères d’ombres. Connor dégaina son espadon en même temps que les moines se mettaient à crier de terreur. Il trancha la première ombre qui ressemblait à un crabe ailé puis se jeta à l’eau pour rejoindre l’avant du chariot. Il envoya une nouvelle gerbe d’étincelles bleues sur une ombre aux dizaines de yeux lumineux semblable à un long tentacule qui flottait dans les airs, l’attaque suffit à le repousser avant qu’il n’attaque l’un des dolyaks, le moine à la masse poussa un grand cri avant de frapper de son arme l’ombre qui disparut sous le coup.
Connor s’occupa de trancher deux autres ombres aux allures cauchemardesques qui restaient puis le calme revint aussi vite qu’il avait disparu. En haleine Connor rengaina son espadon et s’appuya sur ses genoux.
Il eut le temps de voir l’ombre l’attraper et l’enfoncer dans l’eau avec lui.
Là où il se situait l’eau n’atteignait même pas ses chevilles, pourtant la créature maléfique l’entraina plusieurs mètre en dessous de la surface, avec trois yeux luminescents un corps déformé de la taille d’un homme et deux uniques membres puissants pareils à des serres, l’ombre semblait rire en se trémoussant.
Alors Connor alatir… De quoi as-tu peur ?
Une voix résonna dans sa tête, il n’arrivait plus à bouger.
Tes rêves…Ils ne t’appartiennent…Où sont-ils. Laisse-moi. Voir, je veux te voir. Voir et manger.
Des images s’imposèrent à Connor, des bateaux, une femme, puis des cadavres, il entendit des paroles, puis d’autres images.
Pourquoi mens-tu ? Je vais te dévorer…Tu n’es pas libre Connor Alatir…manger…Tu ne le seras jamais…
Connor se débattit mais la poigne de la créature était trop forte, il manquait d’air. Une main apparue. Nimbé de ténèbres elle attrapa l’épaule de Connor et le tira en arrière. Connor inspira une grande bouffé d’air marécageux, à côté de lui se tenait une chose enveloppé d’une aura de noirceur, ou plutôt une silhouette humaine, celle-ci tendit la main vers l’endroit où Connor avait failli se noyer. Des volutes verdâtres s’échappèrent et s’enfoncèrent dans l’eau. Un sifflement s’échappa de l’eau. Puis l’aura de la silhouette se dissipa. Révélant l’homme antipathique du chariot et à l’allure plus malpropre que jamais.
- Un nécromant ? Il n’avait jamais était question d’un nécromant ! S’exclama un moine.
- Silence ! Le moine à la masse s’avança vers le nécromant. Je suis content que tu nous aies aidés contre cette menace. Ecoutez-moi bien vous autres. Sans lui ce n’est pas cinq créatures des ombres que nous aurions dû affronter mais au moins une vingtaine, remerciez le de vous avoir épargné cette tâche.
Il se retourna vers l’homme qui tremblait à présent comme prit d’un froid ou d’une forte fièvre.
- Merci, retourne te reposer nous sommes bientôt arrivés. Toi aussi Connor je te remercie de ton aide tu as sauvé au moins deux d’entre nous d’une mort certaine. Va t’asseoir dans le chariot. Nous arrivons dans une demi-heure.
Arrivés au campement des soldats de l’Arche du lion, Connor et le docteur Twinkee s’empressèrent de passer les portes amenant aux collines de Kessex. Connor n’avait pas pris le temps de parler avec le nécromant. Ces personnages étaient toujours un peu étranges. Il n’en avait presque jamais croisé durant sa vie. Il ne savait pas s’il pouvait leur faire confiance ou non. On entendait souvent dire qu’ils servaient leurs intérêts personnels avant tout et étaient en général cruels et arrogants. Il ignorait pourquoi les moines avaient accepté de l’embarquer. La plupart des gens auraient estimé meilleurs de partir un ou deux jours plus tard dans les marais que le temps se calme plutôt que de se faire accompagner d’un sorcier de la mort.
- Bon, Alatir, indiquez-moi où sont les principaux forts séraphins qu’on n’ait pas à se soucier d’autres inconvénients.
Le docteur le ramena à la réalité.
- Heu..oui !
Il sortit une carte et lui désigna les zones à éviter, il fallait prendre en compte non seulement les séraphins mais également les centaures qui rodaient.
- Par la rivière ? Je crois que j’ai assez pris l’eau pour aujourd’hui. Pas question.
- Je rappelle que vous avez besoin de mon « expérience » pour ce soir. Non seulement passer par la rivière nous fera éviter les zones dangereuses, mais en plus nous fera gagner énormément de temps et n’est pas question que je me fatigue pour ces sottises. Dans moins d’une heure nous pourrons entamer le chemin du retour. Avec ce que ce personnage dans le chariot a provoqué dans le marais, il devrait être en paix pendant au moins toute une semaine. Nous devrions pouvoir être rentré en début d’après-midi. Et j’aurais juste le temps de préparer la drogue…Pueh ! Une drogue…
Connor avait complément oublié ceci, c’était vrai qu’il devait se dépêcher, il ignorait en plus si Néo avait réussi ses négociations, dans tous les cas ils étaient sans nouvelles l’un et l’autre.
- Dépêchons nous oui, approche je vais nous bénir, ça nous remettra en forme.
Connor incanta quelques sortilèges, donnant un regain d’énergie dans leurs jambes. Ils partirent rapidement vers la rivière leur permettrait selon l’asura de rejoindre le canyon de Celeboth. Là-bas ils trouveraient des spores. Ils improvisèrent un radeau de fortune et le lancèrent à l’eau. La rivière peu dangereuse et relativement fluide leur permit de gagner effectivement beaucoup de temps. En trente minutes à peine ils regagnèrent la terre ferme.
Le docteur Twinkee se mit immédiatement à la recherche de spores dans les collines herbeuses. Connor le suivait de loin rassuré de voir que rien de dangereux ne rodait dans les parages, pas d’ettins, pas de centaure, pas de séraphins et il n’y avait pas de menace invisibles ici. Connor était encore interloqué par l’ombre qui l’avait maintenu sous l’eau, il devait une fière chandelle à ce nécromant. Il ne connaissait même pas son nom, il doutait de réussir à le revoir. Dommage. Mais au final ce n’était pas plus mal, il ne lui devait rien ainsi.
- Hahaha quel idiot ! Se mit à rire Connor.
- C’est de moi dont tu te moque ?
- Ah ! Heu... Non non pas du tout continuez, je surveille les alentours.
Connor fit mine d’observer l’horizon. L’asura grommela mais se remit au travail. Le chemin de retour se fera en courant, et Connor envisageait la possibilité de devoir ramener l’asura sur ses épaules pour gagner du temps. Le sourire lui vient aux lèvres. Il n’était pas temps de se lamenter. Il s’étira les muscles engourdis par le trajet en radeau. Le docteur fouillait les collines comme un fou furieux. Connor eut l’étrange image d’un homme promenant son chien dans la nature. Ou d’un cochon à la recherche d’une truffe. Mais il ne valait mieux ne pas en faire la remarque. Le résultat pourrait…empiéter sur le bon déroulement des actions.
- Ah ! Je l’ai, une belle spore bien gonflé.
L’asura tendait dans les airs une pousse à lequel pendait comme une pomme de terre un bulbe turquoise hérissé de poils. C’était donc ça. Alors qu’il s’apprêtait à le rejoindre. Il sentit une secousse sous ses pieds qui manqua de le faire trébucher. Le tremblement se rapprochait de lui, lui passa sous les pieds et continua sa route vers l’asura. Une guivre ! C’était une guivre. Il courut aussi vite que possible sur l’asura qui n’avait rien remarqué.
- C’est assez rare d’en voir de cette qualité vous savez, avec ceci je peux vous garantir que…Heu… Connor que faites-vous ? Reculez je vous prie !
Connor donna coup de pied dans le dos du docteur ce qui le propulsa à une dizaine de pas plus loin le faisant dévaler en roulé boulet la pente. Juste à temps pour que la guivre l’avale à la place de l’asura. Le sol s’ouvrit sous ses pieds et une gueule béante surgit, apportant avec elle l’odeur rance de l’haleine de la guivre.
- J’ai vu pire, dit Connor avant de se faire avaler.
Une fois à l’intérieur il fut secoué de part en part, le monstre se tortillait pour mieux le faire descendre dans son estomac, à moins que la bête ne soit un estomac géant…Le guerrier se tortilla à son tour pour sortir de son fourreau une dague. Il y parvint et entailla profondément la paroi ventrale la plus proche. La guivre hurla de douleur et elle s’abattit contre le sol pour tenter de l’écraser. Connor pointa le couteau entre lui et ce qu’il pensait être le sol. La lame traversa la guivre qui roula sur le sol. Il voyait la lumière entre les filets de mucus que rejetait l’estomac. Tout à coup la guivre s’immobilisa, rigide. Elle roula sur elle-même avec lourdeur. Il voyait désormais le ciel, la lame toujours enfoncée, il poussa un grand cri et ouvrit le ventre de la guivre lui laissant assez d’espace pour sortir comme un nouveau-né. Ils avaient dévalé la pente eux aussi, le docteur Twinkee les regardait de son regard morne habituelle, sa spore à côté de lui. Connor dégaina son immense espadon dont il retira des fluides de la poignée et la garde. Il brandit l’arme au-dessus de la seconde créature qui avait voulu le manger ce matin, puis lui trancha la tête. Le corps de la guivre gigota plusieurs instants après et fini par s’immobiliser définitivement.
- Bon sang, haleta-t-il, c’est les nobles que je veux attaquer, pourquoi c’est la nature qui m’agresse ?
- Tout va bien Alatir ?
- Très bien, répondit l’intéressé à bout de souffle.
- Vous me devez la vie.
- Hein ?
Le docteur leva des fioles remplis de liquides aux couleurs variés qu’il agita devant lui.
- Grâce à qui la guivre à cesser de s’agiter à votre avis ? Ces petites merveilles Pourraient assommer un norn au moindre contact avec la peau.
Il ramassa la spore et la leva entre le soleil et lui. La spore brillait immobile attendant qu’on fasse quelque chose d’elle. Tout ça pour cette chose innocente. Il la confia au docteur qui s’empressa de la ranger dans un sac. Le plus dur avait été fait. Il leur fallait à présent rentrer au promontoire le plus vite possible.
- Docteur ?
- Oui ?
- Vous aimez mes épaules ?
A suivre